Musée de la moto d’Entrevaux

Il y a quelques mois, à la suite d’un impératif familial, ma route m’a conduit jusqu’au petit village d’Entrevaux. Si, comme moi, vous êtes un amateur de fantaisie, Entrevaux évoque un peu Minas Tirith, la cité blanche du Seigneur des Anneaux. Le village, typiquement médiéval, se déploie au pied d’un éperon rocheux dominé par une imposante citadelle, autrefois poste d’observation sur la vallée du Var. Et si vous avez un bon cardio, vous pouvez vous aussi grimper jusqu’en haut pour profiter du panorama… après 800 mètres d’ascension à 19,5 % de pente moyenne ! Autant dire que la récompense se mérite.

À quelques pas de là, avant la naissance du Christ, se trouvait la ville de Glanate. Mais face à l’insécurité grandissante du Moyen Âge, les habitants quittèrent la plaine pour s’installer autour de l’éperon rocheux, bien plus facile à défendre.

Ainsi naquit Entrevaux, qui devint rapidement une frontière stratégique entre la Provence et la Savoie. Le village joua un rôle militaire majeur pendant près de cinq siècles, jusqu’en 1860. En 1536, les Espagnols s’emparèrent brièvement de la ville, avant d’en être chassés grâce à une révolte populaire. Les fortifications furent renforcées sous Richelieu en 1624, puis remaniées par Vauban entre 1683 et 1702. En 1704, la citadelle résista héroïquement à une attaque lors de la guerre de Succession d’Espagne, avant d’abriter plus tard des officiers allemands pendant la Première Guerre mondiale.

Classée monument historique entre 1921 et 1937, Entrevaux a su conserver tout son caractère militaire et son patrimoine d’exception.

Quant au village lui-même, il ne manque plus qu’une tenue médiévale pour se sentir complètement immergé dans une autre époque ! Mais venons-en à notre véritable centre d’intérêt : la moto !

Pour rejoindre le musée de la moto d’Entrevaux, vous pouvez bien sûr suivre votre GPS… ou, pour les plus observateurs, vous laisser guider par les petits panneaux disséminés dans le village.
Leur parcours vous fera traverser un véritable dédale de ruelles, l’occasion parfaite de découvrir l’âme du village avant même d’arriver au musée.

Une fois la porte du musée franchie, vous serez accueilli par Franck Lucani, le fondateur du lieu.
Un homme passionné, au sourire franc, et surtout intarissable lorsqu’il s’agit de parler de motos.

Mais attention : pour discuter avec lui, il faudra être patient ! Franck fait partie de ces passionnés capables de raconter des dizaines d’anecdotes sur chacune des machines exposées. Pour ma part, la découverte du musée s’est faite un peu par hasard, sans rendez-vous ni préparation. Et autant vous dire qu’obtenir quelques mots de Franck relevait presque du défi, tant il était entouré de visiteurs curieux. Je vous laisse d’ailleurs le plaisir de le rencontrer en personne, si vous avez le temps d’attendre votre tour.

Parlons motos ! Ici, on ne sait littéralement plus où donner de la tête : il y en a partout !
En haut, en bas, à droite, à gauche, sur des étagères, suspendues… bref, un vrai paradis pour les amoureux de mécaniques anciennes.

Le musée regorge de modèles populaires, mais aussi de véritables trésors, à l’image de la Moto Guzzi Falcone, un superbe monocylindre horizontal à l’allure sportive.
J’ai particulièrement apprécié tomber sur cet exemplaire : à une époque, j’étais sérieusement tenté d’en acheter une en Italie… avant de finalement croiser la route de ma 850 T3, un peu plus moderne mais tout aussi attachante.

Et comme vous le savez, j’ai un faible pour les motos que personne n’aime, celles qui ont été copiées, bricolées ou oubliées. Je ne pouvais donc pas manquer le Вятка (Viatka), un scooter soviétique… copie conforme du Vespa italien ! Un clin d’œil historique et mécanique qui résume à lui seul tout le charme de ce musée (Je n’ai malheureusement que des gros plans de la machine. Pour les autres photos, ma compagne a voulu poser à côté et m’a confié la mission d’en trouver une autre un jour.).

Au musée de Franck Lucani, les motos de compétition ne manquent pas d’attirer le regard. Parmi les anglaises classiques, certaines machines plus atypiques se distinguent, comme cette Terrot au cadre bleu et au gros réservoir, juste à côté d’une moto aux couleurs de Marlboro. Son histoire reste en partie mystérieuse, mais pour les amateurs avertis, un détail ne trompe pas : le cylindre ne vient pas du modèle d’origine, signe que cette moto a connu des transformations mécaniques hors du commun.

Continuons notre visite virtuelle en nous arrêtant sur les motos d’avant-guerre. Une fois de plus, j’ai failli faire une syncope tant j’ai été subjugué par la beauté de ces machines.

Outre les modèles que l’on croise régulièrement lors des rassemblements de motos anciennes, comme la Peugeot, la Moto Guzzi ou la BSA, deux motos ont particulièrement retenu mon attention, car je n’ai pas l’habitude de les voir « en fer et en bosse ».

La première à m’avoir piqué la curiosité est la Panther de 1936 (la moto verte), originaire d’Angleterre. Il est assez rare de voir des motos de cet âge avec un cylindre unique si incliné, ce qui lui donne un charme et une originalité indéniables.

La seconde, qui m’a poussé à approcher mon œil de très près, est la Soyer et Cie de 1924 (la moto noire avec la petite sacoche en cuir à l’arrière). Certes, elle n’est pas la plus élégante du lot, mais la disposition de sa mécanique est fascinante. Son moteur, pourtant un simple 2-temps, attire l’attention avec un carburateur étonnant : deux parties cylindriques de même hauteur et diamètre, chacune reliée à un câble. On pourrait penser à deux boisseaux, mais il s’agit probablement d’un accélérateur et d’un starter. L’allumage et le décompresseur, eux aussi, sont d’une conception pour le moins étrange.

En quittant le musée de Franck Lucani, on ne peut s’empêcher de repenser à toutes les histoires que chaque machine semble raconter. Ces motos témoignent d’une époque, elles sont les reliques d’un savoir-faire mécanique, et parfois même les fruits d’aventures humaines.

Le musée de Franck Lucani propose une immersion dans un univers où l’art, l’ingéniosité et la passion se côtoient à chaque moteur. Que vous soyez collectionneur, amateur de belles mécaniques ou simplement curieux, Entrevaux et son musée vous offrent une parenthèse hors du temps, un lieu où l’on peut rêver, apprendre et se laisser émerveiller. Et croyez-moi, une fois la visite terminée, on repart avec des images plein la tête… et l’envie irrésistible de remonter sur une moto.

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