Été 2023 #3 La Moldavie à moto

Si vous avez manqué l’épisode précédent, il est à retrouver en cliquant ici.

Le lendemain, je me réveille difficilement. Une bonne douche froide plus tard, je remonte en selle. Mon plan initial était de continuer vers le sud, direction Constanța. Mais à ce moment-là, je ne suis pas très loin de la République de Moldavie. Et comme souvent en Roumanie, quand vous mentionnez la “Moldavie”, les locaux pensent à la région roumaine du même nom, d’où la précision importante : la République de Moldavie.

Je décide donc sur un coup de tête d’y faire un tour. Je poursuis mon trajet vers l’est en longeant le Prut par moments, jusqu’à atteindre Rădăuți-Prut, dernier village roumain avant la frontière.

Sortir de l’Union Européenne

Pour entrer en Moldavie, une simple carte d’identité française suffit, mais je vous conseille vivement de prendre votre passeport. À l’aller, on ne me l’a pas demandé. Au retour… on me l’a réclamé, avec en prime une remarque sur l’absence du tampon d’entrée.

Sortir de Roumanie s’est fait sans encombre (au point que je n’ai même plus de souvenir clair du passage). Côté moldave, en revanche, ça a été un peu plus long, la faute à mon « musée roulant » sur trois roues.

Frontière côté moldave

Contre toute attente, l’ambiance au poste-frontière est conviviale. Je sympathise avec un motard moldave qui parle un excellent français. Très rapidement, il me propose de m’héberger chez lui, gratuitement. Sans trop réfléchir, j’accepte. Sur la route, je me laisse porter par cette rencontre. Mais en arrivant… je tombe des nues.

La maison est délabrée, presque abandonnée. Mon hôte m’explique alors que sa femme l’a quitté en France et lui a tout pris. Ça vous déjà le ton du reste de la soirée. On met près d’une demi-heure à dégager le portail, et c’est là que je réalise dans quel genre de situation je viens de m’embarquer.

La maison est dans un état de délabrement avancé. Sale. Encombrée. Infestée de nuisibles. À peine arrivé, j’ai déjà envie de repartir. Mais un problème de taille se pose : mon forfait téléphonique ne couvre pas la Moldavie. Résultat ? 2,40 € la minute d’appel, 14 € le Mo d’internet. Aucun moyen de prévenir qui que ce soit ou de chercher un hôtel.

J’essaie de rester calme. Je demande s’il y a des toilettes. Il me répond :

« Attends, je dois y aller aussi… je vais les préparer. »

Il disparaît dans la végétation de sa cour. Un silence s’installe, je regarde ma moto, je regarde la route… Je me demande sérieusement si je ne devrais pas fuir.

Quelques minutes plus tard, il revient. « C’est bon, tu peux y aller. »

Je m’enfonce dans les feuillages façon Indiana Jones. Et au bout de cette traversée ? Une sorte de vieux placard à balais, un trou dans le sol, sans seau ni eau. Et surtout : il n’avait pas pris la peine de tirer la chasse… parce qu’il n’y en avait pas.

Saucisson, rideau et couteau

À la nuit tombée, nous partageons un repas frugal : un unique saucisson. Ensuite, il me montre où je vais dormir. Sa chambre et la mienne sont séparées par un simple rideau. Le lit ? Poussiéreux et recouvert de vieux vêtements. Il m’annonce alors qu’il va rejoindre un ami pour la soirée.

Je profite de ce répit pour réfléchir. Il fait déjà nuit, je suis bloqué ici, sans réseau, sans internet, sans plan de secours. Je m’installe tant bien que mal : je jette les vieux vêtements au sol, déploie mon sac de couchage… et glisse discrètement mon couteau de chasse sous l’oreiller. Par précaution.

Je ne vais pas me coucher de suite, je l’attends sur le pas de la porte

Tu crois connaître l’Histoire ?”

Il revient plus tard dans la soirée, visiblement agité. Il me pointe du doigt et me lance, sur un ton accusateur :

“Alors comme ça, t’es étudiant en Histoire ? Je vais te dire, moi, la vraie histoire ! L’URSS, Staline… tout ça, c’est caché !”

Il se met alors à divaguer sur des thèses politiques un peu extrêmes, tout en devenant de plus en plus menaçant. Je reste calme, j’acquiesce à tout ce qu’il dit, glorifie presque Staline pour ne pas le froisser. C’est totalement contre les faits historiques, mais dans ce genre de moment… le but, c’est de survivre à la conversation.

Il finit par s’épuiser, et part se coucher. De mon côté, je pars m’allonger dans mon sac de couchage, tout habillé, main posée sur le manche du couteau. Cette nuit-là, je n’ai eu qu’un mot d’ordre : ne ferme pas les yeux. J’ai passé la nuit à somnoler, dans une semi-conscience inconfortable.

Une plaque française : mon sauveur

Au petit matin, je plie mes affaires en vitesse. Il insiste pour que je reste l’aider à faire des travaux. Je fais la sourde oreille, démarre mon side-car, et pars sans me retourner, sans programmer mon GPS, sans plan. Un conseil au passage : hors UE, téléchargez une appli GPS hors-ligne. J’utilise Sygic, mais attention, il bugue sur les téléphones d’entrée de gamme.

Un peu plus loin, je m’arrête dans un village pour retirer de l’argent et prendre le temps de programmer mon GPS. Coup de chance : une voiture avec une plaque française se gare juste derrière moi. Je fonce à leur rencontre. À l’intérieur : un père et son fils, Moldaves, le fils vivant en France.

Le jeune homme me propose de contacter son grand frère, resté à la ferme familiale, à Corjeuți. Il parle mieux français. Ils me décrivent leur village comme “le plus français de Moldavie” et m’invitent à les y rejoindre. Ils ont même un hôtel à me proposer. Je n’hésite pas une seconde.

Une lieu inattendu

La route jusqu’à Corjeuți ne sera pas de tout repos. Une guêpe réussit à me piquer à l’intérieur du nez. La douleur est atroce et est suivie d’une migraine, d’un nez énorme et rouge écarlate. La classe !

À Corjeuți, je suis accueilli par Denis. Il m’emmène déjeuner dans un lieu improbable : l’hôtel-restaurant “La Paris”, en plein cœur d’un lieu rural moldave. L’endroit existe pour une raison simple : beaucoup d’habitants partent travailler en France, et un bus fait la liaison directe une fois par semaine.

Je goûte un bortsch local (soupe traditionnelle), très différent de ceux goûtés ailleurs en Europe de l’Est. Chaque pays, chaque village, même, semble revendiquer “le vrai”  bortsch, mais la vérité est que chaque pays, voire région, a sa propre recette.

L’après-midi se poursuit par une visite de la ferme familiale, puis un tour en motocross (j’ai failli refuser car j’ai peur à l’arrière d’une moto, mais j’ai pris sur moi). Nous allons voir une petite formation rocheuse appelée Țiglău, puis un lieu marqué par la légende d’un ermite, sorte de Robin des Bois moldave, qui aurait été brûlé vif dans sa grotte il y a 200 ans pour avoir volé aux riches et donné aux pauvres. La nuit tombée, je passe la nuit dans ce petit coin de France moldave, soulagé, reposé.

Cap sur Chișinău

Le lendemain, je file vers Chișinău, la capitale. La route est monotone et sans intérêt. J’ai réservé un Air’bnb avec une cour pour ma moto. Je compte passer l’après-midi à visiter la ville. Malheureusement, mon embrayage commence à faire des siennes. Je cale plusieurs fois dans les embouteillages… que j’empire.

Trouver mon logement me prend un temps fou. Les rues ne sont pas toutes référencées sur le GPS, et je n’ai aucun moyen de contacter mon hôte. Quand j’arrive enfin, il est tard. Je fais un bref tour du centre-ville, sans trop m’attarder. Avec le recul, je regrette de ne pas avoir prolongé mon séjour ici pour vous faire découvrir Chișinău dans une vidéo dédiée. Une occasion manquée… mais ce n’est que partie remise.

Selon moi, j’ai raté ma visite de la Moldavie. Quant à la question, « me conseilles-tu d’aller en Moldavie ? ». Je vous répondrai oui et non. Vous ne pouvez pas aller en Moldavie sans aucune préparation comme j’ai pu le faire jusqu’à mon entrée dans le pays. Vous n’aurez aucun panneau qui vous indiquera un quelconque lieu touristique et trouver un hôtel ou un camping à la dernière minute est plutôt hasardeux. Se rendre en Moldavie vaut le coup, mais à condition de bien préparer et ficeler son itinéraire.

Dans le prochain épisode, je repars vers l’ouest en traversant les majestueuses Carpates… Une nouvelle aventure commence !

Le reportage vidéo sur la Moldavie est à découvrir ci dessous:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Content is protected !!